"Œuvre la plus importante de la culture populaire américaine des trente dernières années" selon certains et très sérieux magazines américains, plus couramment et unanimement désignée "Meilleure série de tous les temps", The Sopranos n'avait tout simplement pas le droit de rater sa sortie.

Petit relevé non exhaustif de ces qualités : le double voire triple niveau de lecture, la richesse et la diversité et le réalisme des personnages, l'art du contre-pied, le référencement à la culture musicale américaine (ah, ces génériques de fin durant lesquels la musique offre un espace de ré-interprétation des dernières images de l'épisode), etc..

L'épilogue (titre officiel de cette saison qui souligne un peu plus le sens caustique de David Chase, son créateur) vient rappeler que cette série, plutôt que de narrer une histoire allant d'un point disons S0101 à S06bis09, a comme extrait un long morceau de l'existence extrêmement tortueuse d'un personnage qui ne l'est pas moins.

Pour rappel, l'évènement initiateur de la narration des Sopranos, est un vol de canards, non-évènement et non-début s'il en est. La fin se devait donc d'être une non-fin. Chase avait rendu une copie presque concluante à l'issue de la saison 6 : le clan Soprano fête thanksgiving chez Tony, la nouvelle compagne d'A.J. s'adresse à Carmela : "C'est une très belle famille que vous avez là.", zoom arrière, quelques intrigues demeurent non achevées : fin.

Contre toute attente, Chase se surpasse et propose ceci :La famille Soprano réduite à son noyau (Tony, Carmela, A.J. et Meadow) doit se retrouver dans un snack pour dîner. Tony arrive le premier, le spectateur sait qu'il ne reste plus que dix minutes et qu'après tout sera fini, Chase multiplie les vraies fausses pistes en faisant se succéder des clients patibulaires entre les entées de Carmela et d'A.J. poncutées par la clochette de la porte, ça discute, ça vanne, dehors Meadow tente désespérément un créneau (c'est qu'elle est grave à la bourre, et qu'il reste à peine trois minutes avant que tout ne s'achève), un consommateur jette un œil torve à Tony en allant au toilettes, on supporte une atroce chanson typiquement FM américaine des années 80, la cloche sonne à nouveau, Tony lève la tête, la chanteuse entame le refrain :"Don't stop...".

Écran noir, silence, c'est fini.

L'ultime contre pied :Chase fait le choix de la fin anti-spectaculaire par excellence malgré les amorces, de la coupe franche au milieu d'une inspiration. Il nous rappelle que l'histoire des Sopranos qui nous a été contée s'inscrit dans un chaos qu'on soupçonne les personnages d'avoir toujours connu. En 88 épisodes, Tony et les siens ont vécu mais n'ont rien résolu. En outre, Chase a disséminé suffisamment de morts dans les épisodes précédents pour se prémunir de toute velléité d'y donner une suite. Toute théorie (elles ont foisonné) évoquant l''exécution de Tony sur cette dernière image me paraît pour le moins fumeuse et en aucun cas en adéquation avec la forme et le fond de l' "Œuvre la plus importante de la culture populaire américaine des trente dernières années".